Prévert, des paroles et des collages

Jacques Prévert, Portrait de Janine, [1943], collage sur photographie de Pierre Boucher, 61 x 49 cm, Collection privée Jacques Prévert. © Fatras/Succession Jacques Prévert

Jacques Prévert, Portrait de Janine, [1943], collage sur photographie de Pierre Boucher, 61 x 49 cm, Collection privée Jacques Prévert. © Fatras/Succession Jacques Prévert

 

L’exposition «Jacques Prévert, images» qui se tient à la fondation Jan Michalski présente une belle panoplie de collages, d’éphémérides et de planches de scénarios illustrées d’un écrivain qui s’avère un faiseur d’images prolifique et qui se plaît à déconcerter le spectateur. À voir jusqu’au 30 avril 2017.

 

Ekatérina Soldatova
10 avril 2017

Le regard de l’écrivain français sur la réalité a toujours désorienté le nôtre. Mais Prévert voit-il vraiment le monde à l’envers? Remplies d’êtres hybrides et de saints, le tout baignant dans une atmosphère égayée par un mélange de fleurs aux couleurs vives, les images exposées à la fondation Jan Michalski* éclatent le réel et semblent faire appel à notre imagination. Pourtant, cet artiste hors du commun puise bel et bien son inspiration dans la réalité.

Les images du quartier de Saint-Suplice, où il a passé son enfance, lui restent à l’esprit. Il est influencé par l’imagerie populaire du XIXe siècle ou tout simplement par les affiches publicitaires. En somme, il s’inspire de la vie de tous les jours. Il vogue librement à la Foire à la ferraille, aux Puces, sur les quais de la Seine pour dénicher, dans de beaux livres aussi bien que dans des magazines, l’image qui va lui parler. Celle qu’il va superposer à une autre, peut-être issue d’une réalité complètement différente de la première, pour révéler la face cachée du monde.

L’écrivain français s’est d’ailleurs beaucoup rapproché du groupe surréaliste dans les années 1925. Il prétendait également préconiser les cercles des peintres à ceux des écrivains. Il a ainsi fréquenté Ernst, Mirò et Picasso, mais il a également noué des amitiés avec de nombreux photographes tels que les fameux Doisneau, Brassaï ou Izis.

 
Jacques Prévert, Les libertés théologales, [?], collage sur lithographie, 50 x 32,5 cm, Collection privée Jacques Prévert © Fatras/Succession Jacques Prévert

Jacques Prévert, Les libertés théologales, [?], collage sur lithographie, 50 x 32,5 cm, Collection privée Jacques Prévert © Fatras/Succession Jacques Prévert

 

La photographie constitue le décor principal de ses assemblages sur lequel il dispose des figurines après les avoir longtemps déplacées. Un travail de construction artistique qui n’est pas sans rappeler celui du metteur en scène qu’il a été. Ses collages sont donc travaillés et réfléchis: coloriages, effets de textures et grattages de surfaces en font partie.

Victime d’une défenestration accidentelle en 1948, Jacques Prévert est contraint au repos forcé. Il multiplie alors ses montages, ses stratifications d’images pensées, comme un exercice de rééducation. Et ça fonctionne. En 1970, Skira publie Imaginaires où ses collages et ses textes sont liés corps et âme.

S’il est préférable de s’abstenir de relever différents thèmes dans les montages de l’artiste, un peut tout de même être mis en évidence: celui de la religion. Méprisant les clercs dont il juge les croyances trop radicales, il lui arrive d’ajouter une touche d’ironie à ses assemblages pour tourner les pratiques ecclésiastiques en dérision.

L’approche artistique de Jacques Prévert n’est donc pas si simple à cerner à vue d’œil. Les titres de ses œuvres le prouvent par le décalage humoristique ou poétique qu’ils créent. Son œil décompose le monde pour le recomposer à sa façon. Ses images dérangent notre vision de la réalité, et c’est un bien.

 

*Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature

En Bois Désert 10 / 1147 Montricher

Tél. + 41 21 864 01 01

Plus d’informations ici

 

Jacques Prévert, Le Désert de Retz, [?], collage sur photographie d’Izis, 50,6 x 34,6 cm, Collection privée Jacques Prévert. © Fatras/Succession Jacques Prévert

Jacques Prévert, Le Désert de Retz, [?], collage sur photographie d’Izis, 50,6 x 34,6 cm, Collection privée Jacques Prévert. © Fatras/Succession Jacques Prévert