La dernière lubie phobique de l’UDC

 

 

Jean-Noël Cuénod
22 septembre 2014

Depuis des lustres, Christoph Blocher et son UDC ont fait leur cette maxime de Talleyrand. Il s’en est suivi une idéologie, le blochérisme, mélange de démagogie xénophobe, de conservatisme social, de nationalisme rétrograde et d’ultralibéralisme économique. À coups de propagande massive, alimentée par les fonds du milliardaire Blocher, le parti de l’extrême droite est parvenu à couler une chape de plomb sur le débat politique suisse en le focalisant sur le seul thème de la xénophobie. Un thème décliné sous des formes diverses, infusant une sorte de gâtisme phobique qui nous atteint tous, peu ou prou. À cet égard, le blochérisme est une calamité en ce qu’il nous contraint, par sa puissance de feu médiatique et financière, à ne plus réfléchir qu’en fonction d’une sorte de guerre permanente contre tout ce qui est autre. Une guerre perdue d’avance, car avec ses huit millions d’habitants, la Suisse ne saurait avoir raison contre toute la planète.

Une guerre perdue d’avance, disions-nous. Mais une guerre qui n’est pas perdue pour tout le monde. Pendant que l’UDC distrait l’attention du peuple sur des sujets accessoires, le capitalisme le plus sauvage continue à déréguler toutes les économies, y compris la nôtre, en créant des déséquilibres dont nous commençons à subir les effets.

Comment endiguer ce capitalisme qui détruit des emplois et dégrade le pouvoir d’achat? Comment réguler la finance devenue folle? Comment réorienter l’industrie de façon à ce qu’elle créé des emplois tout en préservant l’environnement? Voilà les vrais défis! Voilà les véritables problèmes à résoudre! Que nous propose le blochérisme sur ses sujets vitaux? Rien. Il continue à nous mobiliser contre l’arrivée des Huns, au moment où la maison brûle.

La dernière lubie phobique de l’UDC est de lutter contre la primauté du droit international sur le droit suisse. Le parti d’extrême droite pourrait lancer une initiative populaire à ce propos. Ah, on l’entend déjà, la grosse caisse blochérienne! «Rejetons les juges étrangers de nos vallées, comme en 1291!» «Ce n’est pas aux institutions internationales de dicter notre droit!»

Cette rhétorique du «seul contre tous» séduira, à n’en pas douter. Sauf que ce n’est pas comme cela que le monde marche. Lorsqu’il faut affronter des situations qui dépassent le pré carré des États, il a fallu de tout temps recourir à des traités bilatéraux ou multilatéraux qui s’appliquent à toutes les parties contractantes, sinon à quoi bon entreprendre de tels accords?

En fait, l’objectif réel que poursuit l’UDC, de façon chafouine, est de démolir l’arsenal juridique suisse issu de la Convention européenne des droits de l’Homme. Au-delà de toutes leurs différences, de toutes leurs divisions, de toutes leurs incohérences, c’est là le combat central des extrêmes droites en Europe: éliminer ce que Jean-Marie Le Pen appelle, en avançant son menton mussolinien, «le droitdelhommisme».

Et pourquoi s’attaquer à cette Convention ratifiée par 47 États souverains? Pour faire sauter toutes les dispositions réprimant le racisme. Voilà le véritable sens de la démarche du parti blochérien: avoir enfin les coudées franches pour diffuser une propagande encore plus haineuse, encore plus calomniatrice, encore plus inhumaine. Mais cela, l’UDC se gardera bien de le dire. Nous le faisons donc à sa place.

 
ÉditorialJean-Noël Cuénod