In memoriam Varian Fry

 

 

William Irigoyen
5 février 2017

Le 13 septembre prochain marquera le cinquantième anniversaire de la mort de Varian Fry. Grâce à ce «juste», né en 1907 à New York et à l'action de l'Emergency Rescue Committee dont il fut l'incarnation, des milliers de Juifs et militants antinazis parviendront à fuir une Europe atteinte par la peste brune et trouver refuge aux États-Unis.

Si l'on veut en savoir plus sur cette immense et très audacieuse entreprise il convient de (re)lire Livrer sur demande*. On y apprend comment cet homme se retrouve à Marseille en 1940 (la ville est alors en zone libre) au centre d'un dispositif qui parvient à se jouer de l'administration de Vichy, à braver la Gestapo et à «profiter», malgré un danger de tous les instants, du chaos administratif consécutif à la signature de l'Armistice.

Rien ne prédestinait ce journaliste dont le reportage intitulé The massacre of the Jews, paru le 22 décembre 1942 dans The New Republic attirera l'attention du grand public sur l'Holocauste, à un tel destin. Comme le rappelle Charles Jacquier (grand connaisseur du mouvement ouvrier révolutionnaire de l’entre-deux-guerres) dans la postface du livre, lui-même s'interroge: «Je ne sais pas pourquoi je l'ai fait... Je n'avais jamais eu la moindre expérience dans la clandestinité. […] Sans doute mes manières et mon apparence n'invitaient-elles pas à penser que j'étais un risque-tout

Un risque-tout qui participera aux activités de l'ACLU (American Civil Liberties Union), de la Ligue internationale des droits de l'Homme et sera... inquiété en 1950 par la tristement célèbre Commission des activités anti-américaines (elle visait à dénicher les communistes dans les sphères culturelles).

Cinquante ans après la mort de Varian Fry, le continent européen est en pleine ébullition populiste. La crise des migrants pousse certains citoyens à donner raison à des partis qui veulent fermer les frontières et pensent « qu'on a assez fait pour ces gens-là ». Écoutons l'intéressé sur ceux qu'il contribua à sauver: «Peut-être que tous n'ont pas mérité les efforts que nous avons faits pour eux. Certains sont morts; d'autres ont été handicapés – au vrai sens du terme – et à vie, par ce qu'ils ont subi. Mais ( …) il fallait que nous les ramenions tous. Du moins devions-nous essayer

En ces temps où le président des États-Unis verrouille les portes et édifie des murs, il est permis de se demander, au cas où sonnerait à nouveau l'alarme, quel pays viendrait porter secours aux adversaires de l'obscurantisme.


* Varian Fry, Livrer sur demande – Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille 1940 – 1941), Agone, collection Eléments, troisième édition, parution le 13 février 2017

 
ÉditorialWilliam Irigoyen