Sanglants Rameaux

 

 

 

William Irigoyen
9 avril 2017

Cela devait être un moment de recueillement et de prière pour les Coptes d'Égypte. Ils s'étaient réunis pour fêter les Rameaux, événement qui, dans le calendrier liturgique chrétien, marque l'entrée dans la semaine sainte. Mais ce dimanche fut un bain de sang. Encore un. Deux attentats les ont pris pour cible.

Une bombe a explosé en l'église Saint-Georges (Mar Girgis) à Tanta, ville située à cent vingt kilomètres du Caire. Une autre a visé celle de Saint-Marc d'Alexandrie. Bilan: une quarantaine de morts, une centaine de blessés. Double attaque revendiquée par l'État islamique. Le moment était choisi: à la fin du mois, le pape François est attendu dans le pays.

Il y a quatre mois, Daech avait visé l'église Saint-Marc, autre édifice copte située dans la capitale égyptienne. L'organisation djihadiste avait justifié son acte en disant vouloir frapper «tout infidèle ou apostat», que ce soit en Égypte ou ailleurs.

En février, une série d'attaques perpétrées par l'État islamique frappait cette même communauté dans le Sinaï, contraignant une partie de ses membres à trouver refuge dans l'est du pays, près du Canal de Suez. Le président Abdel Fattah al-Sissi, ce «type fantastique» selon les mots de Donald Trump qui l'a reçu cette semaine à la Maison-Blanche, s'avère donc incapable d'assurer la sécurité de ses concitoyens. Et pourtant, l'homme s'y connaît en matière d'ordre et de répression policière. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les autorités égyptiennes ont restreint toute forme de contestation et entassé les opposants dans les prisons. Le raïs applique une méthode fort bien connue: «Vous êtes avec nous ou contre nous.» Au départ, le chef de l'État faisait réprimer les supporters des Frères musulmans. Aujourd'hui, tout citoyen critique est un ennemi potentiel.

Mais revenons aux Coptes. Ils constituent environ 10 % de la population égyptienne. Il s'agit de la plus importante minorité chrétienne dans le Proche-Orient arabe. Dans l'ensemble de cette région, les chrétiens ne représenteraient plus que 4% de la population globale, selon le site de l'édition américaine du Huffington Post (cliquez ici). Un siècle plus tôt, toujours selon cette même source, ce chiffre s'élevait à 20%.

Comparant des enquêtes menées par le Département d'État américain et le Pew Research Center, le site d'Arte a chiffré l'exode des chrétiens d'Orient entre 2001 et 2015 (lire ici). Voici quelques chiffres: - 37 % de présence en Syrie; - 59 % en Irak; - 28 % en Égypte. Il y a fort à parier que la situation est encore bien pire aujourd'hui. Malheureux citoyens.

Différentes voix rappelleront l'urgence de «ne pas oublier les chrétiens d'Orient». Des représentants d'associations monteront au créneau. Parce que certains sont proches du régime syrien et de l'extrême-droite française, ils seront critiqués. La politique reprendra ses droits. Pendant ce temps, des hommes, des femmes et des enfants continueront d'être pris pour cibles.

Leur sort est le nôtre. Comme l'est celui de tous ceux qui sont assassinés parce qu'ils ont eu le tort de naître «autre». En écrivant ces lignes, on repense aux propos du journaliste algérien Kamel Daoud¹: «Solidarité avec l’homme, partout, contre l’homme qui veut le tuer, le voler ou le spolier, partout. Solidarité avec la victime contre le bourreau parce qu’il est bourreau, pas parce qu’il est israélien, chinois ou américain ou catholique ou musulman


¹ Kamel Daoud, Mes indépendances – Chroniques 2010 – 2016, Actes Sud, 2017