Pourquoi apprenons-nous si mal?

 

 

 

 

Agnès Harlan
23 janvier 2017

Pourquoi l’enseignement échoue-t-il si souvent? Comment pouvons-nous améliorer nos stratégies d’apprentissage? Pour répondre à ces questions, le chercheur et spécialiste de la mémoire Henry Roediger et ses coauteurs font l’inventaire des principales croyances fausses sur l’apprentissage, analysent les résultats récents des sciences cognitives à ce sujet et montrent en détail comment ceux-ci peuvent être utilisés pour l’apprentissage et dans l’enseignement. Grâce à ces trois axes, Mets-toi ça dans la tête! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives, qui vient de paraître aux éditions suisses Markus Haller *, constitue un véritable manuel de pratiques basées sur les preuves.

Parmi les croyances fausses des élèves et des étudiants on trouve par exemple l’idée que l’on puisse apprendre sans effort, ou la conviction que la relecture répétée, le surlignement des passages clés et l’occupation intensive avec une matière pendant des heures garantiront à la fin l’acquisition de ce qu’on devrait savoir. Du côté des enseignants, certains croient par exemple que les interrogations fréquentes sont inutiles ou même contreproductives, qu’il ne faut pas confronter les élèves aux difficultés qui représentent un défi pour eux, ou que la priorité des élèves doit toujours consister à éviter des erreurs.

Les uns et les autres sous-estiment la force impitoyable de l’oubli. Retenir des faits, des idées ou des arguments durablement dans la mémoire pour les utiliser ultérieurement et dans de nouveaux contextes requiert un travail de remémoration régulier. C’est l’un des résultats les plus solides des sciences cognitives. Ainsi, au lieu de surligner, il vaut mieux noter les questions auxquelles un passage répond, s’interroger sur la signification des concepts utilisés et sur leurs liens avec ce que l’on sait déjà et avec le reste de la matière à connaître. Utiliser les questions ainsi dégagées pour tester, corriger et améliorer régulièrement sa propre compréhension est l’une des stratégies d’apprentissage dont l’efficacité est démontrée par une multitude d’expériences.
 

En comparaison, le bachotage — la relecture et la répétition ad nausaem, stratégie préférée de tant d’élèves et étudiants et recommandée par tant d’enseignants — est non seulement bien plus chronophage, mais résulte en une compréhension superficielle qui ne résiste guère à l’oubli. Il produit cependant un sentiment de familiarité avec la matière qui conduit à ce que les auteurs appellent l’illusion de maîtrise.

Ce mécanisme cognitif s’active automatiquement — comme la peur face aux erreurs vécues comme honteux ou la conviction de manquer l’intelligence — après des échecs répétés. Les attitudes qui en découlent empêchent l’apprentissage. Connaître les mécanismes favorables ou néfastes à l’apprentissage permet aux élèves comme aux enseignants d’éviter ces pièges et de choisir les pratiques efficaces en phase avec les connaissances scientifiques. Tel est le message optimiste de cet ouvrage.

* www.markushaller.com

 

Recension parue dans l’édition d’octobre 2016