«Aux quatre vents du monde» ou comment naviguer sur l’océan de la mondialisation

 

Liberté. Compétition. Coopération. Sécurité. Quatre mots clés. Comme les points cardinaux d’une boussole. Celle qui figure en couverture d’un ouvrage percutant: Aux quatre vents du monde. Petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation, signé Mireille Delmas-Marty (Seuil 2016), à la barre de cette incursion dans les eaux troubles de la mondialisation de l’économie.

 

Luisa Ballin
24 mai 2017

Comment redonner espoir et une nouvelle dynamique à une société à bout de souffle, secouée par le tourbillon des vents contraires d’une mondialisation qui, dans sa quête de maximalisation des profits, n’a prévu que des consommateurs, oubliant que les êtres humains sont avant tout des citoyens soucieux des conséquences d’une dérégulation généralisée? Comment éviter à la mondialisation un «Pot au noir» tel que celui qui se rencontre au milieu des océans, sous des latitudes équatoriales dans la zone intertropicale où viennent se heurter les alizés venus des deux hémisphères?

Ou encore: comment faire face aux terrorismes sans frontières, au modèle souverainiste débordé, au danger de voir basculer l’État de droit en État de peur, masquant son impuissance et faisant de la peur un instrument de gouvernance? Aux dérives angoissantes aussi, aux dérèglements climatiques, au modèle universaliste inachevé dans un monde sans capitaines avisés? Le livre de Mireille Delmas-Marty, titulaire de la chaire «Études juridiques et comparatives internationales du droit» au Collègue de France, aborde une multitude de questions que les citoyens se posent sous toutes les latitudes. Et interpelle les dirigeants du monde.

Que faire? Car juridiquement, les systèmes étatiques de droit demeurent inadaptés face à ce monde globalisé où la responsabilité juridique est incomplète, fragmentée et instable: «En ce qui concerne les États, le droit international est affaibli par le principe de souveraineté; quant aux acteurs non étatiques (Non State Actors, NSA), à commencer par les acteurs économiques privés que sont les entreprises transnationales (ETN), ils sont en principe exclus de la scène internationale.»

Et l’experte en droit de poursuivre: «Il semble exclu à court terme de mettre en place un nouveau cadre politique: personne ne veut d’un dictateur mondial même bienveillant, qui aurait les moyens d’imposer une raison d’État à l’échelle de la planète. Quant à inventer une nouvelle cosmopolitique démocratique et supranationale, l’exemple de l’Union européenne fait douter du résultat. Il est urgent de trouver de nouveaux instruments juridiques

Ces instruments juridiques, une fois inventés, seront-ils respectés ? L’auteure de Résister, responsabiliser, anticiper (Seuil, 2013) cite en exemple la XXIe conférence des États parties à la Convention internationale sur le changement climatique. «En refusant de renoncer à la COP 21, malgré le défi que représentait le devoir d’assurer la sécurité des 150 chefs d’États et des quelques 40 000 personnes attendus à Paris, les gouvernements français, comme ceux des 195 États représentés à la conférence se sont comportés en responsables, conscients de leur interdépendance et solidaires face aux risques planétaires. Comme si la violence du choc (des attentats, ndlr} et son caractère inattendu avaient redonné un élan et remisé pour un temps les égoïsmes nationaux à court terme… Il est vrai que le long travail obstiné des diplomates avait préparé la voie pour relever, au moins en partie, le défi d’un accord universel et contraignant. Il reste en revanche à gagner le pari d’une mise en œuvre effective et efficace, appliquée par l’ensemble des acteurs de la gouvernance

Si, dans un sens, le défi de l’accord de Paris a bien été relevé, l’essai reste à transformer, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté plus particulièrement. Comme Mireille Delmas-Marty le rappelle dans son ouvrage, «la XXIe conférence de Paris sur le climat a lancé à la face du monde un appel à réorienter la gouvernance mondiale vers la protection de ces biens communs mondiaux que sont la Terre habitable et une paix durable. Des biens dont nous sommes tous désormais les gardiens, les veilleurs et les vigies, en somme les garants.» Pour sortir enfin du «Pot au noir».