À quoi serviront les 300 millions de francs promis par la Suisse à l’Ukraine?

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En Ukraine, la Confédération finance des programmes «d’aide au développement», dont l’amélioration de la gouvernance, la promotion de l’efficacité énergétique et de l’économie durable. Dans le domaine de la santé en particulier, «les autorités helvétiques se sont montrées plus utiles que d’autres organisations internationales», indique Ulyana Souproune, ministre ukrainienne de la santé, lors d’une rencontre exclusive qu’elle a accordé La Cité lors de son passage en Suisse.

 

Martin Bernard 25 septembre 2017

L’Ukraine est depuis quatre ans au cœur de luttes géopolitiques opposant l’Occident et la Russie. Dans ce pays de 45 millions d’habitants, mis à mal par une corruption endémique, s’affrontent des intérêts économiques et politiques pas toujours bien compris en Europe de l’ouest. Au cœur du bal des grandes puissances, la Suisse participe à sa manière au «développement» de l’Ukraine, «un pays prioritaire de la coopération à la transition de la Suisse avec l’Europe de l’Est», affirme sur son site le Secrétariat d’État à l’économie.
Dans le cadre de cette stratégie de coopération, la Suisse devrait dépenser quelque 100 millions de francs en Ukraine entre 2015 et 2018. À cette somme suivra un prêt¹ de la la Banque nationale suisse (BNS), de 200 millions de dollars, dans le cadre d’un Programme d'aide international coordonné par le Fonds monétaire international (FMI). La première tranche de 100 millions de dollars a été libérée, le 3 mars dernier, par la BNS, en faveur de son homologue ukrainienne.
L’amélioration de la gouvernance, la promotion de l’efficacité énergétique, l’aide humanitaire ou le développement économique durable sont au menu. Mais la Confédération apporte aussi une aide déterminante au gouvernement ukrainien dans le domaine de la santé. Environ 12 millions de francs devraient y être consacrés jusqu’en 2019. Un des programmes en cours vise à renforcer les capacités et compétences du ministère de la santé. «Les autorités helvétiques n’ont peut-être pas investi autant que la Banque mondiale ou d’autres organisations internationales. Mais elles se sont montrées plus flexible et plus utiles. Pour moi, l’aide la plus directe en matière de réformes du système de santé est donc venue de la Suisse», indique Ulyana Souproune, ministre ukrainienne de la santé, dans une interview exclusive accordée à La Cité (à lire dans l’édition papier d’octobre).

La Confédération, par le biais de la Direction du développement (DDC), agit en étroite coopération avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale. L’un de ses programmes en Ukraine consiste d’ailleurs à gérer l’un des plus gros prêt de la Banque mondiale en Europe, d’un montant d’environ 250 millions de dollars. «Il s’agit de soutenir la supervision et le contrôle des processus d’appels d’offre pour le renouvellement et la modernisation des équipements hospitaliers ukrainiens, afin que ces processus soient exempts de corruption», précise George Farago, porte-parole du DFAE. Jusqu’en 2019, 3,8 millions de francs seront aussi dépensés dans des projets de préventions des maladies non-transmissibles et de promotion de la santé, pour financer par exemple des campagnes de prévention contre le tabagisme. Ce volet comprend notamment un programme de formation du personnel médical ukrainien, mis en œuvre par l’OMS. 

Depuis 1997, la Confédération est également impliquée dans la promotion de la santé maternelle et infantile en Ukraine. Son action couvre aujourd’hui 71 districts (sur 111) du pays. «Avant la révolution, en 2014, nous menions des réflexions pour diminuer progressivement nos programmes en Ukraine. Mais au vu de ce qui se déroulait alors dans le pays, nous avons pris la décision de réorienter nos axes stratégiques en soutenant plus directement les réformes structurelles du ministère de la santé», informe Barbara Böni, cheffe de la division Eurasie de la DDC. L’action de la Confédération n’est cependant pas répartie de manière égale dans toute l’Ukraine. En dehors de l’aide humanitaire, en effet, Berne ne travaille pas dans les régions dites «séparatistes» et «pro-russes» de l’est de l’Ukraine. «Nous ne reconnaissons pas les « républiques autoproclamées» de Donetsk et Louhansk comme États, explique Barbara Böni. Notre interlocuteur officiel est le gouvernement ukrainien de Kiev. Nous appuyons cependant financièrement le Haut-Commissariat des droits de l’Homme (HCDH) afin de répertorier les exactions commises des deux côtés de la ligne de front
Tous secteurs confondus, «la Suisse figure déjà parmi les dix pays les plus importants en termes d’investissements étrangers en Ukraine», indique George Farago, du DFAE. «Un développement économique durable de l’Ukraine augmente les opportunités pour le secteur privé. L’appui de la Suisse en Ukraine… ne contribue pas seulement à la stabilité et à la sécurité internationales. Il donne aussi aux entreprises suisses la possibilité de créer des contacts et de conclure des affaires. À plus long terme, il favorise le rapprochement avec de nouveaux partenaires économiques et commerciaux.»


¹ La Confédération garantit à la BNS le remboursement de ce prêt dans les délais, versement des intérêts compris. Le prêt s’inscrit dans le cadre d’une aide monétaire largement concertée sur le plan international, qui a pour but la stabilisation financière de l’Ukraine.

 
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