Argentina: Cristina Fernandez, un retour dans la douleur

Le palais du Congrès, siège du pouvoir législatif argentin. © Simon Mayer / Buenos Aires / Archives

Le palais du Congrès, siège du pouvoir législatif argentin. © Simon Mayer / Buenos Aires / Archives

 

Les élections législatives en Argentine ont renforcé l'alliance au pouvoir, laissant une opposition fragmentée et affaiblie. Si le retour de Cristina Fernandez n’a pas freiné l’érosion du kirchnerisme, celui-ci dispose encore d’une marge d’action.

 

José Antonio Garcia Simon 23 octobre 2017

Raz-de-marée, voilà en résumé le résultat des élections législatives, ce dimanche en Argentine. Un scrutin dont le but était de renouveler partiellement la Chambre des députés et le Sénat. L’alliance Cambiemos, dont le leader est l’actuel président Mauricio Macri, a remporté un succès sans conteste. Non seulement elle fait une percée spectaculaire dans les deux chambres du Congrès, en s’imposant dans les principales régions du pays (Buenos Aires, Santa-Fe, Cordoba, Mendoza), mais, au passage, elle fait essuyer une cuisante défaite à toutes les forces d’opposition, y compris à celle de l’ancienne présidente Cristina Fernandez de Kirchner, Unidad Ciudadana.

Bien que les sondages annonçaient la victoire de Cambiemos, ces élections partielles étaient un test pour connaître le niveau d’acceptation de la coalition après deux ans au pouvoir. Les résultats de dimanche ayant dépassé toutes les expectatives, le gouvernement semble compter sur des appuis solides pour lancer un ambitieux plan de réformes laissé jusque-là en veille. Un agenda qui comprendrait plusieurs axes: le système judiciaire, le marché du travail, la fiscalité, la répartition budgétaire entre le gouvernement central et les provinces. C’est que la formation de Mauricio Macri a réussi ces dernières années à agglutiner sous son aile les secteurs de la société argentine les plus opposés au kirchnerisme, les classes moyennes urbaines, les milieux agro-exportateurs et des affaires, ainsi que les grands médias.

Difficile pour l’instant de résister à un tel rouleau compresseur. Comme l’écrit Joaquín Morales Solá dans La Nación, le rapport de forces est tel que «Macri trouvera le péronisme et les syndicats plus enclins aux accords qu’aux conflits». En effet, le péronisme, jusque-là majoritaire dans les deux chambres, se retrouve affaibli et divisé. Les luttes intestines entre le kircherisme et un ensemble hétéroclite d’autres factions font rage depuis la défaite aux élections présidentielles de 2015. Tel que le signale Ignacio Miri, dans Clarín, à l’heure actuelle, «il n’existe pas de leader capable de rassembler les différents secteurs qui déchirent le parti depuis les dernières années du kirchnerisme». Étonnamment, cela pourrait jouer à moyen terme en faveur de Cristina Fernandez. Les résultats du scrutin ont montré que, pour l’opposition, une stratégie de concertation avec le gouvernement ne se traduit pas par un gain de votes. Bien au contraire. Les forces non gouvernementales, péronistes ou autres, ayant flirté avec l’exécutif ou maintenant une attitude ambigüe à son égard, ont connu des échecs cuisants.

Malgré le fait d’être entrée au Sénat en remportant moins de voix que le candidat de Cambiemos, Cristina Fernandez est la figure de l’opposition ayant recueilli de loin le plus grand nombre de bulletins. La forte polarisation qu’a connue la scène politique argentine durant les années du kirchnerisme continue ainsi de jouer un rôle non négligeable, laissant peu d’espace à ceux qui prétendent naviguer entre deux eaux. Luis Bruschtein signale à juste titre, dans Página12, que les votants ont laissé clairement entendre quels étaient les véritables concurrents en lice, soit «Cambiemos mais aussi la force d’opposition la plus nette qui, au sein de celle-ci, a montré la plus grande capacité de mobilisation: Unidad Ciudadana [un bloc du péronisme emmené par Cristina Kirchner]. »
Dans l’immédiat, Mauricio Macri essayera de tirer profit de sa position de force pour faire aller de l’avant son programme, alors que le péronisme continuera probablement de s’enliser dans des affrontements sans merci jusqu’aux présidentielles de 2019. Ceci dit, si, au cours de deux prochaines années, le gouvernement ne parvient pas à endiguer l’inflation ainsi que la pauvreté rampante dans les grandes villes, le malaise social pourrait s’avérer un catalyseur du kirchnerisme – si tant est qu’il ait réussi à tenir jusque-là.