Hani Abbas, le dessin pour résister à la barbarie

Le dessin qui a changé le destin de Hani Abbas. © Fondation Suisse Cartooning for Peace

Le dessin qui a changé le destin de Hani Abbas. © Fondation Suisse Cartooning for Peace

 

Lorsqu’il montera, vendredi 16 septembre au soir, sur le podium du Victoria Hall de Genève, à l’occasion du concert de l’Orchestre de la Suisse romande (OSR) en faveur de la Fondation suisse Cartooning for Peace, le dessinateur de presse syro-palestinien Hani Abbas, exilé à Genève, aura une pensée émue pour ses confrères et ses compatriotes restés sous les bombes en Syrie. Et il se dira qu’un dessin peut changer un destin.

 

Luisa Ballin
13 septembre 2016

Le regard d’un artiste peut-il dénoncer l’indicible? Hani Abbas, dessinateur né en 1977 dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk dans la banlieue de Damas, avait posté un croquis sur Facebook en 2012, immortalisant un soldat humant, entre les bottes d’autres militaires, le parfum d’une fleur rouge symbole de la révolte syrienne. Le pouvoir en place à Damas n’avait pas apprécié. Le dessinateur avait été menacé. Contraint de fuir la Syrie avec sa femme et son fils, Hani Abbas avait trouvé refuge, dans un premier temps, dans un camp au Liban avant d’arriver en Suisse, terre d’exil où il continue de dénoncer l’horreur d’une tragédie par son talent et un sens de l’humour décapant.

Pour son ami, le dessinateur suisse d’origine libanaise, Patrick Chappatte, qui dessinera en direct vendredi soir avec son compère français Plantu au Victoria Hall au rythme de la Troisième Symphonie dite Héroïque de Beethoven, membre comme Hani Abbas et Plantu du réseau Cartooning for Peace / Dessins pour la Paix, «Hani c’est le courage en dessins. Son travail représente l’humanité, la décence et l’humour qui survivent à tout, même à cet enfer sur terre qu’est la Syrie», déclare-t-il à La Cité.

Genève avait découvert le talent de Hani Abbas en mars 2014, lors de l’exposition de quelques-unes de ses œuvres au Café-Restaurant du Grütli, dans le cadre du Festival du film et Forum international sur les droits humains (FIFDH). Un homme venu rejoindre discrètement son épouse Rachida Brakni, jurée au Festival, avait été impressionné par le coup de crayon de Hani Abbas. Et l’acteur et ancien footballeur Eric Cantona d’acquérir plusieurs planches du dessinateur syro-palestinien.

 
Chappatte, Hani Abbas et Plantu. © Fondation Suisse Cartooning for Peace

Chappatte, Hani Abbas et Plantu. © Fondation Suisse Cartooning for Peace

 

Quelques mois plus tard, Hani Abbas recevait, avec la dessinatrice égyptienne Doaa, le Prix international du dessin de presse remis par la Ville de Genève et Cartooning for Peace, des mains du conseiller administratif Guillaume Barazonne (aujourd’hui Maire de Genève) et de l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, président d’honneur de Cartooning for Peace. Un bonheur ne venant jamais seul, dit-on, la Suisse accordait ensuite l’asile politique à Hani Abbas. Rencontré quelques semaines plus tard, le dessinateur syro-palestinien, casquette vert-olive et tout sourire, montrait fièrement les clés de l’appartement dans lequel il allait habiter avec sa famille.
 
Deux ans après Hani Abbas est devenu père d’un deuxième enfant. Son fils aîné fréquente l’école à Genève et lui enseigne le français, assure-t-il. Le dessinateur, qui fut également enseignant en Syrie, publie régulièrement ses dessins dans L’Hebdo et ses croquis sont également relayés sur Facebook, où il compte un bataillon d’admirateurs. Mais s’il dit sa joie d’être sorti de l’enfer syrien et d’exercer son art en Suisse, le dessinateur syro-palestinien ne cache pas que son esprit est resté dans sa patrie meurtrie. Sa seule arme de conviction massive pour résister à la barbarie qui détruit la Syrie reste son crayon et ses convictions.

Le Prix international du dessin de presse et le soutien de la Ville de Genève et de Cartooning for Peace — qui vient concrètement en aide aux dessinateurs menacés dans leur pays ou ayant perdu leur travail — a été, dit-il, le grand événement de sa vie. «Il m’a donné l’énergie de continuer de dessiner. Pour ma famille. Pour les gens qui m’aident. Pour les journalistes, activistes et caricaturistes restés en Syrie. Et pour mes amis emprisonnés ou assassinés.»

 
Kofi Annan, Guillaume Barazzone et Hani Abbas. © Fondation Suisse Cartooning for Peace

Kofi Annan, Guillaume Barazzone et Hani Abbas. © Fondation Suisse Cartooning for Peace


Vendredi 16 septembre, 20h00
Victoria Hall de Genève


Concert de l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par le chef hollandais Antony Hermus,
offert par la Fondation de l’OSR en faveur de la Fondation Suisse Cartooning for Peace,
Avec une performance en direct et sur écran géant des dessinateurs Chappatte et Plantu.
Cet événement sera retransmis par la RTS, TV5 Monde et Arte à des dates non encore déterminées.

Informations: cliquez ici.

Réservations anticipée: cliquez ici.

Billets également en vente le soir du concert
au Victoria Hall - Rue du Général-Dufour 14, 1204 Genève

 

Art & CultureLuisa Ballin