L’Europe de la Défense: une affaire de femmes?

 

 

 

William Irigoyen
19 mai 2017

La décision de l’exécutif français de nommer Sylvie Goulard «ministre des Armées» a été très remarquée cette semaine par un certain nombre de confrères hexagonaux. Ceux-ci ayant déjà pointé du doigt que l’intitulé du poste avait changé — depuis 1974 on parlait en effet de «ministre de la Défense» — il est inutile d’y revenir ici, même si le choix de cette terminologie reste encore obscure. Ajoutons un fait, dans l’Europe des Vingt-Huit, six femmes occupent désormais cette fonction: en France donc, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et en Slovénie.

Arrêtons-nous un instant sur les deux premiers pays de cette liste. Il y a en ce moment, des deux côtés du Rhin, un objectif commun en matière de Défense. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont pour ambition, chacun à l’intérieur de leurs frontières, de hisser à moyen terme leur budget militaire à 2% du PIB. Ce but identique signifie-t-il qu’un nouveau moteur franco-allemand entend être en symbiose politique sur cette question, convaincre un grand nombre de partenaires de la nécessité de faire de même et de parvenir, à terme, à l’idée d’une Défense commune? Soixante ans après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), il est permis de se poser la question.

Souvenez-vous. Le 27 mars 1952, six pays européens établissent un traité instituant la CED. Ratifié par l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, il est rejeté par… l’Assemblée nationale française deux ans plus tard. Depuis, l’idée d’une Défense commune revient à intervalles réguliers. Avec peut-être un peu plus d’insistance depuis que le président américain s’est récemment plaint que les pays du Vieux Continent ne contribuaient pas assez au financement de l’OTAN et a dénoncé le côté «obsolète» de l’organisation. Donald Trump a fait volte-face depuis. Il n’empêche: attendre tout des autres en matière de Défense est une erreur. L’Europe doit avoir «son destin en mains», a dit, en début d’année, la chancelière allemande.

Cette prise de conscience est-elle partagée par l’ensemble des Vingt-Huit (bientôt Vingt-Sept)? Difficile de le dire. Il serait pourtant logique qu’une Union politique et économique se dote également d’une Défense commune. Elle a une belle occasion de le faire. Que cette idée puisse, en outre, être portée par un couple de femmes déterminées — Sylvie Goulard en France et Ursula von der Leyen en Allemagne — aurait quelque chose de savoureux. Elle apporterait en effet un démenti catégorique à ce qui est apparu jusqu’ici comme une forme de déterminisme: que l’armée ne serait qu’une affaire d’hommes.