Honduras, une démocratie séquestrée

© Alexander Sanchez / Archives

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Reconduit dans ses fonctions après le recomptage des bulletins de vote, le président Juan Orlando Hernandez entame son nouveau mandat dans un pays en proie aux violences. Des manifestations, convoquées par l’opposition, se sont soldées par la mort de dix-huit personnes. Une corruption endémique et la concentration du pouvoir achèvent les espoirs démocratiques de ce petit État d’Amérique centrale.  

 

José Antonio Garcia Simon 18 décembre 2017

Un coup d’État n’est jamais un bon précédent pour une démocratie. Le hold-up présidentiel du 26 novembre dernier au Honduras est la conséquence logique du renversement de Manuel Zelaya en 2009. La dernière séquence électorale est emblématique de cette dérive. Au lendemain du scrutin, Marco Ramiro Lobo, magistrat du Tribunal suprême électoral (TSE), déclare que la panne du système informatique lors du décompte des votes était suspecte et qu’il était nécessaire d’effectuer un recomptage total des bulletins afin de dégager les doutes. L’Organisation d’États américains (OEA) lui emboîte le pas et dénonce le «manque de garanties et de transparence» lors des élections présidentielles et appelle à un nouveau vote. Pourtant, trois semaines plus tard, dimanche 17 décembre, le TSE déclare officiellement vainqueur le président sortant Juan Orlando Hernandez, après avoir procédé à un recomptage partiel des bulletins de vote, sans avoir trouvé des «évidences de fraude». Une décision qui entérine une réélection contestée, mais qui risque surtout d’envenimer encore plus la situation dans les rues de la capitale, Tegucigalpa. Des manifestations, convoquées par l’opposition, se succèdent pour exiger des un processus électoral transparent. Le bilan s’élève déjà à 18 morts.

Ce sanglant scénario ne fait que confirmer la perte d’autonomie qu’ont connue les institutions honduriennes depuis le coup d’État orchestré contre Manuel Zelaya en 2009. Ironie de l’histoire, le prétexte du putsch, c’était que Zelaya envisageait alors de lancer un référendum pour modifier la Constitution et pouvoir ainsi se présenter à nouveau aux prochaines présidentielles. Quelques années plus tard, le chef d’État, Juan Orlando Hernandez obtient sans difficulté l’aval de la Cour suprême pour être une fois de plus candidat à la présidence, malgré l’interdit constitutionnel. C’est là un exemple de la manière dont les institutions ont été mises au service du pouvoir présidentiel depuis l’intronisation d’Hernandez en 2013: recomposition de la Cour suprême, modification de la loi électorale, création d’un Conseil de défense et de sécurité, qui place sous tutelle les pouvoirs législatif et judiciaire.

Une telle concentration des pouvoirs répondrait aux exigences d’une plus grande efficacité dans la lutte contra la violence qui ravage le pays. Le Honduras affiche en effet l’un des taux d’homicide les plus élevés au monde. En ce sens, depuis son arrivée au pouvoir, Hernandez a cherché non sans succès à réduire le nombre de morts violentes. Or, ce faisant, il a progressivement démonté la charpente institutionnelle qui garantit le fonctionnement démocratique. Ce n’est pas un hasard si «la confiance dans le système électoral a faibli parmi les Honduriens. Les alliés d’Hernandez contrôlent le tribunal électoral [...] et les changements de la loi électorale permettent au Parti National de contrôler le décompte des votes dans les centres électoraux», analyse Elisabeth Malkin dans le New York Times.
Cette méfiance est aussi entretenue par la corruption endémique qui ronge le système politique et, en particulier, la formation au pouvoir, le Parti national. Il existe, par exemple, des indices de financement illégal de la campagne présidentielle d’Hernandez, en 2013. Mais les députés du Parti national s’évertuent plutôt au Congrès à freiner les projets de loi visant à lutter contre la corruption, ou à réformer le Code pénal réduisant les peines de prison pour corruption. La corruption de la classe politique hondurienne est à l’origine de la vague d’assassinats qui a frappé les défenseurs de l’environnement lors de la décennie en cours. D’après Global Witness, une ONG qui s’occupe de la violence contre les écologistes de par le monde, le Honduras est le pays le plus dangereux de la planète pour l’activisme environnemental.  

Dans un rapport paru en janvier 2017, l’ONG souligne que, depuis 2010, plus de 120 personnes ont été assassinées à cause de leur engagement dans la défense de l’environnement. Les responsables de ces crimes seraient les «forces de l’Etat, des gardes privés ou des tueurs à gages». Global Witness n’hésite pas à dénoncer la collusion entre élites politiques et entrepreneuriales, laquelle se reflète dans une impunité quasi absolue. «L’Etat ferme les yeux en ce qui concerne les assassinats et les violations des droits humains», dénonce l’ONG. La conjonction de déficit démocratique et de corruption généralisée ne fait qu’aggraver le passif du pays, avec une pauvreté qui frappe les deux tiers de la population, l’omniprésence des cartels de la drogue, et des taux de violence démesurés.
Dans un tel contexte, la polarisation politique aiguisée par les dernières élections – d’un côté, le Parti nationaliste et, de l’autre, l’Alliance d’opposition – risque de mettre à rude épreuve la fragile stabilité du pays. Le rôle de la communauté internationale, en particulier des États-Unis et de l’OEA, sera un facteur-clé pour l’avenir immédiat de la nation d’Amérique centrale. Mais celui-ci dépendra surtout de l’acceptation ou du refus que suscitera dans la population la dérive autoritaire du pouvoir au Honduras.

 
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