L’imprudence des sociétés électriques suisses à l’étranger

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Depuis 2007, les groupes énergétiques suisses ont investi dans des centrales à charbon à l’étranger. Cette stratégie se solde aujourd’hui par des déconvenues financières, doublées d’une controverse publique sur l’impact environnemental et les scandales locaux. La polémique enflamme les Grisons, où l’entreprise publique d’électricité a jeté son dévolu sur un projet en Calabre, suscitant une mobilisation populaire ainsi que l’incompréhension de parlementaires suisses et de scientifiques internationaux.

 

Federico Franchini 12 novembre 2012

Martin Schmid était à l’époque le président libéral-radical du Canton des Grisons. En mars 2007, en compagnie du conseiller d’État Stefan Engler, il arborait de larges sourires au cours d’une visite officielle à Teverola, près de Naples. Les deux ministres représentaient le gouvernement grison lors de l’inauguration d’une centrale à gaz bâtie par le groupe grisons Rhätia Energie, rebaptisé depuis Repower, en collaboration avec la société italienne Hera. Luzi Bärtsch, président du conseil d’administration de Rhätia, et Karl Heiz, directeur général, savouraient eux aussi ce «succès» industriel pour le canton de la Suisse occidentale.
C’était une période où, entre 2005 et 2008, ces deux hauts dirigeants engageaient leur société dans une campagne d’implantation de centrales à gaz et au charbon à l’étranger. D’autres groupes électriques ont entrepris ce chemin. Mais ces investissements, notamment dans le domaine du charbon, se sont révélés une péripétie semée d’embûches: oppositions locales intransigeantes, autorisations refusées, chantiers laissés en friche, dépassements budgétaires, pertes financières, le pari du charbon s’est la plupart du temps avéré perdant.

La centrale à charbon de Saline Joniche, en Calabre, est emblématique de cette stratégie imprudente. C’est en 2005 que l’ex-Rhäthia Energie lance ce très coûteux projet — devisé à plus d’un milliard d’euros — provoquant une levée de boucliers tant aux Grisons que dans la région du sud de l’Italie. Aux Grisons, des associations de défense de l’environnement ont réussi, l’an dernier, à récolter les signatures pour la tenue d’un scrutin visant à interdire les investissements étatiques dans les centrales à charbon à l’étranger. La politique énergétique du Canton des Grisons, détenteur de 46% du capital de Repower, sera ainsi soumise au vote populaire en septembre 2013.

À l’image de Repower, les écarts que les entreprises cantonales, totalement ou partiellement en mains publiques1, s’autorisent avec la politique climatique et énergétique de la Confédération, seront eux aussi débattus sur la place publique. Car le cas grison n’est de loin pas isolé.De son côté, le 1er novembre dernier, l’exécutif grison a proposé au Grand Conseil un contre-projet visant à permettre à Repower de réaliser la centrale de Saline Joniche mais la société sera contrainte, par la suite, à renoncer à des investissements dans le charbon. Dans les rue de Coire, ce sont les notes de la Tarentelle, forme musicale traditionnelle provenant du Sud de l’Italie, qui retentissent le 27 août 2011. Une importante délégation calabraise défile, main dans la main avec les écologistes suisses, devant le palais du gouvernement. Les manifestants veulent convaincre Repower et son actionnaire principal, le Canton, à abandonner le projet de Saline Joniche.

Coup de théâtre, les opposants calabrais ne sont pas les seules à avoir fait le voyage. D’autres citoyens calabrais se rendent à Coire, le même jour, pour soutenir le projet de centrale. Plus tard, Kurt Bobst, directeur général de Repower, admettra devant les caméras de l’émission alémanique Rundschau que la société a pris en charge les frais du voyage des partisans. Un geste qui suscite une vague d’indignation, déploré même par l’ancien conseiller d’État Martin Schmid, aujourd’hui membre du conseil d’administration de Repower.
Les opposants à la centrale ne veulent pas chasser Repower de Calabre, région qui a un urgent besoin d’emplois et d’investissements. Au contraire, ils demandent à la société de développer un projet d’énergies renouvelables, éco-compatibles et conciliables avec la vocation touristique de la région. Ce qu’ils ne veulent pas, c’est le charbon. Même avec les récents progrès techniques qui améliorent son rendement, ce minéral demeure l’agent énergétique qui émet le plus de dioxyde de carbone ou CO2. Les émissions annuelles qu’engendrait la centrale de Saline Joniche représenteraient, avec ses 7,6 millions des tonnes de CO2, près de 17,5% des rejets enregistrés en Suisse en 2009.

Pour Repower, les émissions de CO2 ne sont pourtant pas un motif d’inquiétude. Au contraire. Une vidéo postée sur le site de la SEI², la société chargée du projet, une co-propriété de Repower et Hera, fait l’éloge de ses «vertus»: «Lorsqu’on parle de charbon on pense toujours aux émissions de CO2 et au dit effet de serre. Il est important de rappeler toutefois que le CO2 est le gaz produit quotidiennement par les plantes et par notre organisme quand nous respirons. De ce fait il n’est pas toxique. C’est justement l’effet de serre qui permet la vie sur notre planète.» La SEI n’en reste pas là. Elle placarde la région de Saline Joniche avec des affiches illustrant la non dangerosité du CO2. Une stratégie offensive qui indigne Nuccio Barillà, dirigeant national de Legambiente, la plus importante organisation italienne de défense de l’environnement: «Repower se présente devant les citoyens non pas avec les raisons de la science mais avec des slogans, des accords secrets, des promesses éphémères et surtout avec l’attitude de la poule aux œufs d’or. Tout ça dans la pire logique coloniale
L’entreprise publique grisonne n’est pas la seule à s’être lancée dans l’aventure du charbon. Dans la dernière décennie, la branche de l’énergie suisse a enregistré de très juteux résultats. Les bénéfices du secteur ont presque décuplé, en passant de 670 millions en 1999 à 5,62 milliards en 2009. Alors qu’en Suisse la production d’électricité à partir du charbon n’est pas envisagée ni envisageable, entre 2005 et 2008, les grandes sociétés électriques suisses ont investi une partie de ces profits dans des projets de centrales à l’étranger.

Les Forces motrices bernoises (FMB) ont projeté la construction de deux centrales, l’une à Wilhelmshaven, l’autre à Dörpen, les sociétés romandes Groupe E, Romande Energie et Gruyère Energie se sont lancées, avec la même Repower, la baloise EBM ainsi que la saint-galloise SN Energie, dans un projet à Brunsbüttel. L’Azienda elettrica ticinese et la Regio Energie de Soleure ont en revanche misé sur Lünen. Quant à Alpiq, elle possédait déjà deux centrales en République Tchèque, rachetées par l’ancienne Atel, ainsi qu’une participation dans la centrale italienne de Brindisi.

 
© Charlotte Julie / 2010

© Charlotte Julie / 2010

 

Quelques années plus tard, la majorité de ces sociétés reviendra sur ces choix. La plupart de ces chantiers ont été arrêtés, contrariant les investisseurs. Le projet de la centrale de Brunsbüttel s’est par exemple soldé en 2012 par une perte de 7 millions de francs pour Repower. Abandonné par les autres partenaires suisses de la société grisonne, le projet a été enterré. Actuellement, parmi les centrales avec une participation helvétique, seulement celles de Wilhelmshaven et de Lünen sont en phase de construction. Mais les travaux sont retardés à cause d’entraves techniques ou d’autorisations, entraînant une hausse des coûts.
Qui plus est, le marché a pénalisé les investissements à l’étranger des sociétés suisses. L’an dernier, les grands groups helvétiques ont annoncé des résultats en forte baisse. En janvier dernier, les FMB annonçaient un déficit de 150 millions de francs en 2011. La participation dans la centrale à charbon de Wilhelmshaven est en cause. Antonio Sommavilla, porte-parole de la société, concède que la ruée vers le charbon a pris fin: «La centrale de Wilhelmshaven restera la seule centrale à charbon dans notre portefeuille. De tels projets ne correspondent plus à notre stratégie

Même discours chez Alpiq qui, en 2011, a bouclé son exercice annuel avec une perte nette de 1,3 milliard de francs: «Nous n’envisageons pas d’investir dans de nouvelles centrales dans notre portfolio», explique son porte-parole Martin Stutz. Alpiq a par ailleurs entrepris une restructuration drastique, procédant à des licenciements ainsi qu’à la vente de sa participation dans la centrale à charbon de Brindisi. En décembre 2008, la conseillère nationale écologiste bernoise Franziska Teuscher rendait attentif le Conseil fédéral sur le danger d’un retournement économique: «Il est prévisible que les centrales à charbon deviendront à moyen terme des gouffres financiers avec toutes leurs conséquences indésirables pour les Cantons, les Communes et, en fin de compte, les consommateurs en Suisse.» Cette prédiction se fondait sur le projet de l’Union européenne de mettre aux enchères les certificats d’émission du CO2. Ce qui entraînerait d’importants coûts supplémentaires pour la production d’électricité à partir du charbon.

Mais les écologistes ne sont pas les seuls à avoir semé le doute. Dans une étude parue en 2010, le think thank néolibéral Avenir Suisse présentait ces investissements à l’étranger comme «une importante prise de risque avec l’argent des contribuables». Au mois d’août 2011, de nombreux scientifiques et économistes suisses s’adressaient à la direction de Repower pour la prévenir, à leur tour, des risques économiques des investissements dans le charbon3. Récemment, même le président du plus grand opérateur électrique italien, ENEL, a concédé que les centrales exploitant le fameux minéral ne sont plus rentables. Notamment en Italie, pays qui dispose d’un parc de production énergétique qui équivaut déjà au double de la consommation maximale, alors que la Calabre exporte également son énergie.
Pour justifier des investissements massifs, la branche électrique suisse a longtemps agité l’épouvantail de la pénurie, affirmant que des coupures de courant auraient pu intervenir si les capacités de production n’étaient pas rapidement renforcées. Il fallait à cet effet diversifier la production pour pouvoir à la fois faire face à l’augmentation de la demande et «garantir des prix favorables à l’économie suisse». Mais la motivation était surtout financière. Ces investissements étaient considérés potentiellement très lucratifs, le prix de l’électricité étant en hausse. De plus, cerise sur le gâteau, les sociétés helvétiques feraient leur entrée dans le juteux marché européen.

Reste que la réalité n’est pas aussi brillante. «Nous sommes actuellement dans une situation de surproduction d’électricité», affirme Thomas Zwald, membre de la direction de l’Association des entreprises électriques suisses, le lobby de la branche, dans Le Temps du 12 octobre 2012. La marge confortable que pouvaient s’assurer les producteurs helvétiques grâce à l’électricité de pointe fournie par le charbon a fondu avec le développement des sources alternatives. «Il faut considérer le fait que les prix de l’électricité ont diminué de manière significative et que la croissance actuelle des énergies renouvelables entraînera une situation de surcapacité dans les années à venir», explique Rolf Wüstenhagen, directeur de l’Institut d’économie et d’écologie de l’Université de Saint-Gall. «Les énergies renouvelables étant une priorité politique et ayant des coûts marginaux très faibles, la production d’électricité au charbon devient moins rentable.» Le risque est alors que, lorsque les centrales de Wilhelmshaven et Lünen seront complétées, il y aura un excédent du courant disponible à partir du charbon. Les groupes électriques seraient ainsi contraints à vendre leur énergie en-dessous du prix du marché et les énormes investissements dégagés risqueraient de ne pas être préservés.

Lorsqu’ils se sont lancés dans l’aventure du charbon, les dirigeants des sociétés électriques ont opéré ce choix dans le cadre de «leur propre» vision stratégique de l’entreprise. Ces sociétés étant majoritairement publiques, la nature de leurs investissements à l’étranger doit pourtant être soumise au contrôle démocratique. La réputation et la cohérence de la politique climatique et énergétique de la Suisse sont en jeu. Peut-on concilier les efforts en faveur de la protection du climat, visant à contenir le réchauffement planétaire, avec des investissements publics dans des centrales à charbon? Alors que la Confédération entend jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique au niveau mondial, peut-on ignorer l’impact de tels investissements à l’étranger?

 
 

En novembre 2008, le célèbre climatologue étasunien James Hansen s’adressait directement au Conseil fédéral: «La Suisse n’a jamais exploité de centrale à charbon et vous avez réussi à produire l’intégralité de votre courant sans combustibles fossiles. Malheureusement, j’ai appris qu’au moins neuf entreprises publiques suisses prévoient de produire de l’électricité à partir du charbon en Allemagne et en Italie. Ceci constituerait un virage désastreux de la part d’un pays dont la réputation en matière d’écologie est exemplaire.⁴» C’est alors que la question, jusque-là largement ignorée, prend finalement une dimension nationale. En décembre 2008, une interpellation de Franziska Teuscher demande au Conseil fédéral de réglementer ou interdire les participations d’entreprises électriques suisses dans des centrales à charbon à l’étranger.
Cette interpellation sera suivie, quelques mois plus tard, par une motion déposée par le conseiller national socialiste Eric Nussbaumer, réclamant une modification de la loi afin que «les participation prises dans des centrales électriques étrangères par des sociétés helvétiques fassent l’objet d’une obligation de notification et soient soumises à un contrôle des participations». La Confédération ne détenant pas de capital dans les sociétés électriques, l’exécutif fédéral recommande de rejeter cette motion, et passe la balle aux Cantons: «Le Conseil fédéral ne peut ni réglementer ni empêcher les investissements à l’étranger des entreprises d’électricité. Ces investissements sont fondés sur les décisions stratégiques de ces entreprises, détenues pour la plupart par des cantons, des villes ou des communes. Contrairement à la Confédération, ces instances sont aujourd’hui déjà habilitées à empêcher, si nécessaire, de tels investissements.»

Cette recommandation, prononcée en 2009, doit résonner fortement dans les oreilles de Martin Schmid, conseiller d’état grison entre 2003 et 2011. C’est au milieu de son mandat, en 2007, qu’il se rend en Italie pour inaugurer la centrale à gaz de Repower à Tevarola. Aujourd’hui, Martin Schmidt représente le Canton à Berne et est membre du conseil d’administration de la société électrique. Deux autres anciens conseillers d’état grisons siègent actuellement au Conseil d’administration de la société qui a établi son siège dans la vallée italophone de Poschiavo. Tournant le dos aux liens d’intérêts entre ces ex-magistrats et la régie électrique grisonne, le gouvernement du canton affirme qu’il ne peut se mêler de la stratégie de la société: «Il est de la responsabilité du conseil d’administration d’évaluer les projets et de s’assurer que les intérêts de la société et donc aussi des ces actionnaires soient garantis.» L’exécutif grison répondait en ces termes à une interpellation du Grand Conseil sur l’investissement controversé de Repower en Calabre.
En septembre dernier, sur le plateau de l’émission Falò de la RSI, le chef du Département grison de l’énergie, Marco Cavigelli persiste et signe: «Ce n’est pas à l’État de diriger Repower, celle-ci étant une société privée.» Dans un article de la Süddeutsche Zeitung paru en 2010, Martin Schmid soulignait pourtant que, pour le Canton des Grisons, il est très avantageux de disposer d’un droit d’intervention auprès de Repower: «Si ce groupe était uniquement composé d’investisseurs privés, il aurait déjà délocalisé dans un autre canton ou même à l’étranger.» En réalité, le gouvernement grison pourrait bel et bien exiger une position plus cohérente de son groupe énergétique avec le plan énergétique cantonal 2009-2012. Selon ce document, les Grisons, région alpine particulièrement concernée par le changement climatique, doivent prendre des mesures et faire des investissements pour limiter l’impact du réchauffement.

Malgré cela et les exemples de ces sociétés suisses enlisées dans le marché du charbon, sans se soucier du fait que le projet de Saline est fortement critiqué, tant au Grison qu’en Calabre, l’exécutif cantonal refuse de remettre en question la stratégie de Repower: «Si l’Italie prévoit l’exploitation du charbon et du gaz et si l’on veut participer à ce marché on doit respecter les normes en vigueur dans ce pays. On ne peut pas prendre les standards suisses et les transférer en Italie. L’Italie est un pays autonome qui peut décider lui-même le standard des sources énergétiques qu’il souhaite. Si moi je veux une entreprise active à niveau international, les lois du pays d’implantation sont les seules à être déterminantes», déclare Mario Cavigelli à la RSI. Se sentant injustement mise sous un mauvais jours par la presse qui, selon Repower, aurait diffusé des opinions négatives et des informations erronées, la société a récemment souligné, via un communiqué, son engagement à respecter les lois italiennes et à adopter une attitude orientée vers le dialogue. Politiquement, le projet continue dès lors de bénéficier de soutiens dans les plus hautes sphères de l’État grison.

Mais des divergences pourraient en revanche surgir au sein même du conseil d’aministration de Repower, par les trois représentants de l’entreprise Axpo, dont la politique est de ne pas favoriser la construction de centrales au charbon. Que fera Alpiq, l’autre grand partenaire de Repower? Bien qu’il affirme ne plus vouloir investir dans le charbon, l’une de ses deux centrales en République tchèque est en train d’être agrandie. à ce stade, la responsabilité d’Alpiq, détenue par des communes romandes, reste engagée.

 
 

Pour Repower, les problèmes se cumulent, qui ne sont pas seulement liés à l’opposition populaires et aux polémiques relatives aux financements de groupes pro charbon. à Milan, un collaborateur aurait détourné plusieurs millions de francs de la caisse de l’entreprise. Il est actuellement mis en examen pour fraude. En Italie toujours, Repower a récemment été condamné par l’autorité antitrust à payer une amende de plus de cent mille euros pour avoir participé à un cartel électrique avec EGL Italie, société détenue au 100% par Axpo. Le groupe grison a aussitôt déposé un recours.
À cela s’ajoute la chute du résultat du premier semestre 2012 qui a fondu de 37% par rapport à la même période de 2011. Ces déconvenues en cascade interviennent alors que la société est en train de bâtir une grande usine de pompage-turbinage d’une puissance de 1000 mégawatt entre le lac de Poschiavo et le lac blanc dans le col de la Bernina. Il s’agit de pomper l’eau des deux lacs pour la stocker dans des bassins d’accumulation lorsque la demande d’énergie est faible (la nuit), afin de la libérer plus tard et produire ainsi de l’électricité lorsque la demande est forte (le jour). L’objectif est de gagner beaucoup d’argent grâce au négoce d’électricité⁵.

En Suisse, d’autres projets de ce genre sont en cours à Glaris et dans le Bas-Valais. Il s’agit d’investissements financièrement énormes, à dix chiffres, considérés à haut risque au moment où les groupes suisses voient fondre leurs marges sur l’énergie de pointe, produite à la demande à partir des barrages. Or le développement des nouvelles sources d’énergie éolienne et solaire dans les autres pays est en train de faire reculer la demande de cette énergie. Encore un exemple de la stratégie à courte vue de la branche électrique? La désolante aventure du charbon n’aura, à l’évidence, pas servi de leçon. Bien que des études montrent que les entreprises suisses sont à la traîne dans le domaine des énergies vertes par rapport aux pays voisins6, les récents investissements consentis par celles-ci n’ont de loin pas vocation à combler cet écart. Bien au contraire, 96% de l’électricité produite à l’étranger par des entreprises suisses provient de sources non renouvelables, alors que 88% des projets en cours sont des centrales à combustible fossile, selon les données qui nous ont été fournies par la Fondation suisse pour l’énergie, actualisées à fin juin 2012.
De la part d’entreprises totalement ou partiellement en mains publiques, on pourrait s’attendre à ce qu’elles soutiennent la politique énergétique que la Confédération doit mener pour sortir du nucléaire, basée sur les économies d’énergie et développement des sources renouvelables. C’est donc à l’appui des ces objectifs que devraient être consacrées les réserves financières des acteurs publics actifs dans le marché de l’énergie. Non à compliquer l’ambitieuse mission que Berne s’est donnée: abandonner l’atome.


1. Le capital de Repower se répartit entre le Canton de Grison 46% (majoritaire), Alpiq 24,6%, Axpo 21,4%. Celui d’Axpo est détenu à 100% par des cantons de la Suisse nord orientale; les actionnaires d’Alpiq sont les municipalités et les cantons de Suisse romande; les Forces motrices bernoises (FMB) sont contrôlées à 52,5% par le Canton de Berne, et à 10% par le Groupe E, détenu à son tour à 78% par le Caton de Fribourg.

2. Le capital de la société Saline Energie Ioniche (SEI) se partage entre Repower (57,5%), le Group Hera (20%), Foster Weheler Italia (15%), et le groupe d’investissement Apri Sviluppo (7,5% ).

4. http://www.foes.de/pdf/2011-08-Offener-Brief-Kohlekraft.pdf

5. L’activiste zurichois Peter Vogelsanger dénonce des liens entre les projets de centrales au charbon et les projets de pompage-turbinage développés par Repower: «Entreprise trop petite par rapport à l’étendue de ses projets, elle risque la faillite si ses investissements ne s’avèrent pas rentables. Or si l’électricité sur le marché du pompage-turbinage est trop chère, Repower compte sur le fait que les centrales à charbon produisent à bas coût et compenseraient ainsi les éventeuels pertes dans les projets de pompage-turbinage.» C’est pourquoi, selon Peter Vogelsanger, Repower planifie une centrale en Calabre, afin d’assurer ses arrières dans la construction d’une usine de pompage-turbinage à Campolattaro, dans la région de Naples. Pour sa part, Repower a toujours nié toute relation entre ces deux types d’investissements

6. Les nouvelles énergies renouvelables représentent 0,26% de la production suisse. Cette part est proportionnellement 34 fois plus importante en Allemagne, 12 fois en Autriche et 7 fois en France, selon les statistiques de l’Office fédéral de l’énergie.

 
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Alpiq, la chute d’un géant