Après moi, président, le déluge

 

 

 

William Irigoyen
30 avril 2017

D’ici quelques jours, François Hollande quittera son bunker élyséen avec le sentiment du devoir accompli: «Je laisse la France dans un meilleur état», a-t-il déclaré le 20 avril, lors d’un déplacement dans le département du Lot. Heureusement que les prix de l’indécence et du cynisme n’ont pas été inventés.

Le futur retraité les aurait certainement remportés haut la main et qui sait s’il ne serait pas retourné chez lui avec, pour tout trophée, un sachet de sauge dont les fumigations, paraît-il, sont particulièrement recommandées quand s’invitent des esprits néfastes.

Le président français en aurait profité pour utiliser ladite substance afin de «chasser les mauvais vents, toujours les mêmes, ceux du nationalisme, du repli et de la peur», comme il a cru bon de le préciser lors d’un autre déplacement – décidément – à Belle-Ile, avant de conclure, dans un élan politico-climatique: «Il faut aller vers le grand large, ne jamais se replier.»

Pendant que le chef de l’État filait la métaphore, les Républicains de tout bord se seront inquiétés de voir Marine Le Pen, finaliste du premier tour de l’élection présidentielle, faire alliance avec Nicolas Dupont-Aignan, ce «gaulliste humaniste» comme il s’est autoproclamé cette semaine sur le plateau de France 2.

Lui qui, il y a peu, vilipendait le Front National pour ses prises de positions extrémistes a donc considéré, une semaine avant le second tour, que la cheffe du FN n’était plus d’extrême droite. Celui-ci sera le Premier ministre de celle-là en cas de victoire de «l’alliance patriote et républicaine». Quelle affiche. Il manquait une tête de pont assumée, affirmée entre la droite et l’extrême droite. Elle est désormais incarnée par le patron de Debout la France.

Et si le spectacle s’arrêtait là? Depuis le 24 avril nombre d’«insoumis» fidèles à Jean-Luc Mélenchon annoncent que, le 7 mai, ils préfèreront sans doute la canne à pêche au bulletin de vote.

La France est laissée là, dans un «meilleur état» soi-disant qu’il y a cinq ans. François Hollande est décidément d’une grande clairvoyance. Et ses compatriotes sont donc aveugles. Ils n’auront pas vu les dernières statistiques du chômage. Toutes voiles dehors, l’économie française serait, à l’entendre, en train de filer vers des horizons lointains avec la certitude de lendemains sociaux qui chantent. Avec cette idée que l’embellie profitera à tous, dès le 8 mai au matin, grâce au coup de baguette d’un magicien qui a si peu osé pendant cinq ans.

Triste fin que celle de François Hollande qui, après avoir sagement pris la décision de ne pas se représenter, aurait pu gratifier son peuple d’un long silence en cette catastrophique fin de mandat. Mais il a préféré en sortir pour inviter ses sujets à ne pas choisir l’option Marine Le Pen alors qu’il n’avait même pas appelé à voter PS au premier tour. La rancune tenace vis-à-vis du frondeur Benoît Hamon? Sans doute. L’interdiction faite au président de tous les Français de se prononcer publiquement? Allons donc.

Pourvu que, dimanche 7 mai, cette mascarade ne s’achève ni dans la nuit ni dans le brouillard.