Avec la grande coalition, le SPD risque de basculer dans l’insignifiance

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Vendredi dernier, les sociaux-démocrates et les conservateurs sont parvenus à un accord de principe sur une future alliance. Si elle signe la fin de la crise politique, elle pourrait se révéler fatale pour le SPD de Martin Schulz.

 

Déborah Berlioz Correspondante à Berlin 15 janvier 2018

Martin Schulz est de retour sur les routes allemandes. Il a jusqu’à dimanche 21 janvier pour convaincre les 600 délégués du SPD que l’accord négocié avec la CDU/CSU est «extraordinaire», comme il le dit lui-même. Sans leur aval, le parti n’ira pas plus loin, et la perspective de nouvelles élections se fera plus concrète. Si cette dernière option ne réjouit pas les foules au SPD, les réfractaires à un autre mariage avec Merkel y sont encore nombreux. Au premier rang des détracteurs de la grande coalition (GroKo), on trouve le chef des jeunesses sociales-démocrates (Jusos), Kevin Kühnert. «Avec une GroKo, le parti d’extrême-droite AfD va devenir le parti leader de l’opposition. Par ailleurs, on a fait de mauvaises expériences avec les conservateurs. À maintes reprises, ils n’ont pas respecté les contrats», s’indigne-t-il. Des ténors du parti se montrent également sceptiques, à l’image du maire de Berlin, Michael Müller. Par ailleurs, la fédération régionale du SPD en Saxe-Anhalt a voté, samedi, à une courte majorité contre une grande coalition.

Kevin Kühnert aurait préféré que Martin Schulz s’en tienne à la ligne annoncée le soir même des élections législatives: faire du SPD le leader de l’opposition à Angela Merkel. Professeur de civilisation allemande, Jérôme Vaillant analyse sur le site de The Conversation: «Le SPD avait d’autant plus besoin de se régénérer dans l’opposition que sa participation aux gouvernements Merkel ne lui avait pas permis de faire ressortir sa propre marque politique auprès des électeurs. La gauche du parti affirmait même – et continue d’affirmer – que la reconduction d’une telle coalition ferait perdre au SPD sa crédibilité et l’engagerait sur la voie du déclin.» Les résultats électoraux des dernières années sont édifiants. En 2009, au terme de sa première alliance avec Angela Merkel, le SPD a obtenu 23% des voix, soit 11 points de moins qu’en 2005. S’il remonte à 25,7% des suffrages en 2013, il redescend à 20,5% en 2017, après quatre nouvelles années sous la houlette de la chancelière conservatrice.

Cette «malédiction» est récente. «Historiquement, la grande coalition n’est pas nécessairement un fléau, considère Stephan Bröchler, politologue à l’Université Humboldt de Berlin. Sous Willy Brandt, le SPD est sorti renforcé de son gouvernement avec les conservateurs. Il est passé de 39,3% des voix aux législatives de 1966 à 42,7% en 1969.» Pour réitérer cette expérience, les sociaux-démocrates doivent cependant retrouver leurs repères programmatiques. «Ces dernières années, le SPD a réussi à s’imposer sur des questions isolées, comme le salaire minimum. Mais il leur manque une ligne directrice», analyse le chercheur.  Pour Stephan Bröchler, les sociaux-démocrates «n’ont jamais été aussi forts que quand ils défendaient un projet de société». Mais on ne trouve rien de tel dans l’accord de principe négocié entre le SPD et la CDU/CSU la semaine dernière. De plus, les sociaux-démocrates n’ont pas forcément réussi à s’imposer sur les sujets qui fâchent.
«Le problème de M. Schulz, c’est que contrairement à 2013, quand Sigmar Gabriel avait obtenu la prise en compte du salaire minimum et de la retraite à 63 ans, il ne ramène pas de gros poissons», souligne dans une tribune Andreas Petzold, directeur du magazine Stern. Certes, le SPD l’a emporté sur la question des retraites, et il a donné une forte tonalité européenne à l’accord. Cependant son projet d’assurance citoyenne, pourtant au cœur de sa campagne électorale, n’a pas été retenu. Le SPD a même accepté une limitation du regroupement familial pour les réfugiés. Si, le 21 janvier prochain, le congrès du SPD valide le projet, les négociations concrètes pour élaborer un contrat de coalition pourront commencer. Cela ne signera pas pour autant la fin du feuilleton que constitue cette crise politique allemande. Une fois le programme de gouvernement défini, il devra encore être approuvé par les militants du SPD, comme en 2013. «Il y a des chances que la base se prononce en faveur d’une nouvelle grande coalition, mais le scrutin s’annonce serré», pronostique Stephan Bröchler.  

 
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