La «Révolution» de Macron, réalité ou marketing?

Montage par © Charlotte Julie / La Cité

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Emmanuel Macron avait intitulé son livre-programme «Révolution». Six mois après son accession au pouvoir, la révolution macronienne est-elle en marche? Le point avec l’essayiste Olivier Gracia.

 

Adeline Percept

Correspondante à Paris

23 novembre 2017

C’était un titre indéniablement porteur. Quoi de plus en phase avec la fronde de la société française que d’en appeler à la «Révolution»? Dès le printemps 2016, un an avant son élection à la présidence, le candidat Macron mène pas moins de 100 000 conversations avec les Français.

Recueillies et résumées par son équipe dans une synthèse, ces «États généraux» macronistes deviennent la Bible du nouveau pouvoir. Macron demande la fin d’une caste – lisez entre les lignes: la fin d’une aristocratie fainéante – alors au pouvoir. Macron réclame la fin des privilèges des élus. Sur le papier, tous les ingrédients de la nouvelle Révolution de 1789 y sont. Sauf qu’aujourd’hui, les attentes semblent en large partie déçues.

«Pour moi, c’est une mini-révolution ou une fausse révolution, analyse Olivier Gracia, co-auteur de L’Histoire se répète toujours deux fois (avec Dimitri Casali, Larousse, septembre 2017). Il a promis de renouveler l’assemblée nationale. Il faut le reconnaître: nous avons plus de jeunes et de femmes. Mais les nouveaux députés sont aussi plus riches. La vraie mixité qu’on attendait à l’Assemblée nationale était une mixité sociale, et… on n’y est pas du tout. On a balayé une ancienne aristocratie accrochée à ses privilèges pour mettre en place une élite encore plus bourgeoise.»

Une élite peut en cacher une autre

Dans son ouvrage, l’essayiste compare même Macron au roi Louis-Philippe. «Lors de son accession au pouvoir en 1830, Louis Philippe promet à la France un grand remplacement de l’Assemblée, raconte Olivier Gracia. Et finalement, il remplace les aristocrates par des banquiers, des scientifiques, des hommes de Lettres… Bref, une autre élite.»

Six mois après l’élection d’Emmanuel Macron, selon certains observateurs, c’est plutôt la douche froide. Il est intéressant de noter, à ce propos, un changement sémantique dans le discours macroniste. Aujourd’hui, «la majorité présidentielle préfère mille fois au mot Révolution celui de transformation», explique Cécile Cornudet, éditorialiste aux Échos. «Macron avait su réveiller le coupeur de têtes qui sommeille chez les Français pour dégager tous ses rivaux. Que s’est-il passé depuis? La peur. Au pouvoir, l’arme dégagiste est toujours tournée contre vous

Pourtant, le gouvernement d’Edouard Philippe tient promesse sur certains chantiers ‘révolutionnaires’. Le premier d’entre eux, l’«abolition des privilèges» des élus français. Le 8 novembre, les députés ont par exemple décidé de mettre fin à leur régime spécial de retraites. De même, l’allocation de fin de mandat sera alignée sur le régime général de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (comme pour tous les autres Français).

Parallèle saisissant

«Macron est plein de bonne volonté en la matière, reconnaît Olivier Gracia. Mais le parti La République en marche (LREM) a dû recruter ses députés à toute vitesse. Macron était loin de les connaître tous lorsqu’ils sont entrés en fonction. On sait déjà que certains font comme leurs prédécesseurs: ils ‘s’échangent’ leurs enfants pour pouvoir remplir la fonction d’assistants parlementaires avec un député ami de leur père ou de leur mère

Dans son ouvrage, Olivier Gracia fait un parallèle saisissant entre la situation actuelle de la France et le contexte pré-révolutionnaire de 1789. Une crise politique, sociale, économique. La suite logique de sa réflexion: en viendra-t-on à la Terreur? La Révolution de 1789 n’est pas une rébellion spontanée du peuple. Une poignée d’hommes contrôlés par des bourgeois ont réalisé que tout pouvait basculer pour se mettre enfin aux manettes du pouvoir.  Mais ensuite… est venue la Terreur, une vraie révolution anarchique du peuple.

«Après la mini-révolution bourgeoise de Macron, la révolution populaire est un danger réel et imminent. Si Macron déçoit dans les deux-trois prochaines années, cette révolution de la masse est tout à fait possible contre lui», conclut l’essayiste. Aux extrêmes de l'échiquier politique, deux forces «populaires» restent à l'affût, portées, d’un côté, par Jean-Luc Mélenchon et, de l’autre, par Marine Le Pen.

 

 
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