Le mystérieux argent suisse du clan Kadhafi remonte à la surface

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Après la chute du dictateur en 2011, le Ministère public de la Confédération a saisi 150 millions de francs dissimulés par un proche du clan Kadhafi. Les investigations mettent en lumière de nouveaux flux d’argent, dessinant un réseau de corruption entre la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse. On commence à en mesurer l’étendue.

Par Federico Franchini septembre 2015

Retenez ces noms: Chokri et Mohamed Ghanem. Le père et le fils. Il s’agit des derniers acteurs connus du dossier libyen en Suisse. Ils apparaissent à la suite du sulfureux Khaled Hamedi, fils d’un dignitaire du régime de Kadhafi, titulaire, au bas mot, de dix-huit comptes ouverts dans trois banques en Suisse. Quelque 150 millions de francs y dorment. Ce juteux pactole a été saisi, en 2011, à la suite de dénonciations au MROS (Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent) émises par un intermédiaire financier. Une procédure pour blanchiment d’argent est ouverte. Le Ministère public de la Confédération effectuait ainsi sa première prise libyenne. Avant de ferrer la famille Ghanem.
Chokri Ghanem a longtemps dirigé la National Oil Company (NOC), la compagnie nationale du pétrole, ce qui en faisait l’officieux «ministre du pétrole» de Mouammar Kadhafi. En mai 2011, au plus fort de la révolution libyenne, il tourne le dos à son maître et se réfugie à Vienne. Le nouveau gouvernement de Tripoli lance un mandat d’arrêt international contre lui sous l’accusation de détournement de fonds issus de la vente de pétrole libyen. Le 29 avril 2012, son cadavre est retrouvé dans le Danube. Chokri Ghanem emporte dans sa tombe la connaissance du système mis en place par le dictateur libyen pour détourner les fonds publics à son profit et mener ses opérations de corruption à grande échelle.

Quelques semaines avant sa mort, Chokri Ghanem apprend que son fils fait l’objet d’une enquête en Suisse. Le compte que Mohamed Ghanem avait ouvert à l’UBS, au nom de sa société Goldent Petal, est bloqué. Ghanem père note dans son journal: «Mohamed est désespéré car la Suisse enquête à son propos. Je devrais consulter un avocat. J’espère que tout ira bien.» Nous sommes en mars 2012; le père se montre tout aussi inquiet pour le sort de son fil que pour le sien. Les investigateurs suisses remontent à Mohamed Ghanem — qui résiderait actuellement au Bahreïn et disposerait d’un passeport émirati — en exécutant une demande d’entraide pénale internationale requise par la Norvège. Le bureau anti-corruption d’Oslo enquête sur la multinationale Yara, leader mondial de la production de fertilisants. Cette société emploie 7300 personnes; 36% du capital est détenu par l’État norvégien. La procureure d’Oslo, Marianne Djupesland, soupçonne la société Yara d’avoir versé des pots-de-vin à un intermédiaire libyen afin de faciliter la construction d’une usine à Marsa El Brega, ville portuaire et industrielle de Libye, située dans le golfe de Syrte.
Cette multinationale avait créé, en 2009, une joint venture avec deux entités étatiques libyennes, la National Oil Corporation (NOC) et la Libyan Investment Authority (LIA), le fonds souverain qui gère 70 milliards de dollars, une fortune colossale générée par l’exportation d’hydrocarbures. Monstre d’opacité, la LIA mélangeait avoirs étatiques et fortune personnelle de Kadhafi. L’attention des enquêteurs norvégiens se focalise sur deux filiales de Yara à Genève: Balderton Fertilisers SA et Yara Switzerland Ltd.

 
© Alberto Campi / Septembre 2015

© Alberto Campi / Septembre 2015

 

Le 5 septembre 2011, la demande norvégienne d’entraide pénale parvient à Berne. La procureure Marianne Djupesland désigne Chokri Ghanem comme probable intermédiaire libyen au service de Yara. La mission de suivre la piste de Chokri Ghanem est confiée au procureur fédéral Jacques Rayroud, responsable de l’antenne de Lausanne du Ministère public de la Confédération. Il procède, le 8 septembre, à l’audition de Nejdet Baysan, qui occupait jusqu’à la veille la charge de président des conseils d’administration des deux filiales de Yara à Genève. Ce dernier met le procureur Rayroud sur une nouvelle piste. Elle mène à une société avec laquelle Yara avait eu des relations commerciales: la Nitrochem, basée à Binningen dans le canton de Bâle-Campagne, filiale d’Ameropa, numéro deux mondial de la production d’ammoniaque.
Oslo transmet une nouvelle commission rogatoire internationale. Le 31 janvier 2012, la police judiciaire fédérale perquisitionne les bureaux de la Nitrochem. Les policiers saisissent des milliers de documents qu’ils passent au crible avec l’aide de leurs collègues norvégiens. Le versement de 1,5 million de dollars sur un compte UBS attire l’attention. Il a été effectué pour régler la livraison d’une grosse quantité d’ammoniaque. Le procureur Jacques Rayroud réclame l’accès à ce compte et découvre qu’il est géré au profit de la société Goldent Petal, basée aux Iles Vierges, dont l’ayant droit économique est... Mohamed Ghanem, fils de Chokri Ghanem, ancien «ministre du pétrole» de Kadhafi!

Ces informations sont transmises à Oslo, où elles servent de preuves lors d’un procès qui s’achève en 2014 par la condamnation de Yara à payer 43,5 millions de francs, l’amende la plus élevée de l’histoire norvégienne. En juillet 2015, quatre hauts dirigeants de la multinationale, parmi lesquels l’ancien PDG Thorleif Enger et le Français Daniel Clauw, sont condamnés à des peines de prison. En Suisse, le Ministère public de la Confédération ouvre une instruction pénale, toujours en cours, contre Nitrochem et deux personnes liées à la société. Cette demande d’entraide norvégienne permet au Ministère public de la Confédération d’en savoir plus sur la famille Ghanem. Ainsi, il apparaît que le père entretenait également des relations bancaires avec la Suisse. En outre, les enquêteurs suisses apprennent que Ghanem fils n’est pas seulement le bénéficiaire économique de la société Goldent Petal, il est aussi le PDG d’une banque au Bahreïn, la FirstEnergy Bank — liée aux proches d’anciens hauts dignitaires libyens réfugiés dans les pays du Golfe après la mort de Kadhafi —, détenue à 16,25% par le fonds souverain libyen LIA. La banque a été soupçonnée, par des cabinets d’enquête partis à la chasse aux avoirs de Kadhafi, d’abriter de fonds de l’ancien régime.

En 2011, en application des sanctions ordonnées par le Conseil de sécurité, l’ONU gèle les activités de ce fonds multimilliardaire, qui, outre ses investissements immobiliers à Londres et Paris, a pris des participations dans plus de 550 sociétés dans le monde parmi lesquelles Shell, UniCredit (la plus importante Banque d’Italie), Pearson (l’éditeur du Financial Times), Vodafone, ou encore l’équipe de foot de la Juventus. Mais, grosso modo, quelque 10% des avoirs saisissables échappent à l’ONU par le biais des paradis fiscaux et donnent lieu à une chasse au trésor. Selon les enquêteurs, la famille Ghanem aurait pu profiter de cette manne. À partir des comptes suisses de Ghanem fils, des transactions ont été effectuées vers diverses sociétés, parmi lesquelles figure le hedge fund hollandais Palladyne International Asset Management BV. L’ONG britannique Global Witness indique en 2010 cette entité comme étant une plateforme gérant la richesse de Kadhafi. En publiant un rapport d’audit du cabinet KPMG, l’ONG dévoile que Palladyne gérait 300 millions de dollars pour le compte du fonds libyen LIA.
En Suisse, le Ministère public de la Confédération obtient la preuve que Palladyne a versé beaucoup d’argent à Mohamed Ghanem. La société néerlandaise est administrée par Ismael Abudher, mari de Ghada Ghanem, soeur de Mohamed et fille de Chokri. Nous nous trouvons donc devant cette situation. Un hedge fund domicilié aux Pays-Bas gère l’argent du pétrole libyen. Ce hedge fund est dirigé par le gendre de Chokri Ghanem qui a eu la haute main sur ledit pétrole. Et verse des fonds sur un compte suisse de Ghanem fils. Il n’y a pas de fumée sans feu. Le procureur suisse Jacques Rayroud demande à son tour l’aide des autorités néerlandaises. Nous sommes le 30 novembre 2012. Quelques mois plus tard, en juin 2013, la police néerlandaise fait irruption au domicile d’Ismael Abudher et dans les bureaux de la société Palladyne. Marieke van der Molen, porte-parole du Parquet national hollandais ne confirme pas les noms. Elle nous indique pourtant que, suite à une demande d’assistance judiciaire de la Suisse, le procureur néerlandais mène une enquête visant «une société d’investissement basée à Amsterdam ainsi que l’un des ses directeurs».

La société et le directeur sont suspectés, entre autres, de «falsification de documents, fraude et blanchiment d’argent». Selon les autorités des Pays-Bas, Ismael Abudher aurait détourné beaucoup d’argent, dont 28,5 millions versés sur un compte en Suisse appartenant à Mohamed Ghanem. Ce dernier reversait les sommes reçues sur d’autres comptes au sein de la même banque, ainsi que sur deux autres comptes ouverts par deux sociétés écrans dans un autre établissement bancaire. La technique classique pour dissimuler de l’argent sale. De ces comptes, l’argent refaisait un nouveau tour à travers d’autres comptes et trois autres sociétés écrans pour atterrir sur un compte aux Pays-Bas au nom du frère d’Ismael Abudhar. Les ayant droits des cinq sociétés écrans utilisées pour dissimuler les fonds étaient tous membres de la famille Ghanem et Abudhar. Le 3 avril 2014, le Ministère public de la Confédération bloque tous ces fonds. Cette saisie est exécutée à la demande des autorités néerlandaises. Ghanem père et fils — deux «personnes exposées politiquement» (PEP) — ont donc pu effectuer des transactions avec des sociétés écrans, sans que cela n’alerte les services bancaires préposés à la vigilance. Nous avons pris langue avec l’UBS qui, légalement, ne peut pas s’exprimer sur un cas spécifique mais affirme cependant, qu’entretenir des relations avec des PEP impose de respecter des contraintes nettement plus sévères en matière de contrôle.
Selon nos informations, dans ce dossier précis, la banque n’est d’ailleurs pas sous le coup d’une procédure de la part de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers. Dans un communiqué de presse, la société Palladyne affirme n’avoir jamais géré de l’argent pour le compte d’institutions étatiques libyennes actives dans le secteur énergétique. Pour sa part, Ismael Abudhar déclare n’avoir jamais appartenu au régime libyen.

Le 25 mars 2014, un opérateur de bourse étasunien, Dan Friedman, avait déposé plainte contre la société Palladyne auprès d’une Cour du Connecticut, aux États-Unis. Il y avait travaillé en 2011 et avait compris que «Palladyne était une société écran servant à toucher des pots-de-vin versés par des entreprises voulant faire affaires avec le régime libyen ou la compagnie pétrolière nationale gérée par le beau-père d’Ismael Abudher (Chokri Ghanem: ndlr) et à recycler de l’argent public volé par la famille et les amis de de Khadafi». La société Palladyne est aussi sous le coup d’une plainte déposée aux Pays-Bas par la nouvelle direction du fonds souverain LIA. Aux États-Unis, le gendarme de la bourse, la Securities and Exchange Commission, enquête sur des opérations boursières illicites commises lors de la prise de participation de la LIA dans le capital de la banque italienne UniCredit. Selon le site web de la revue Africa Intelligence, parmi les personnes sous enquête figure Ismael Abudhar.

 
Chokri Ghanem, ancien ministre du pétrole libyen de Muammar Khadafi. © Samuel Kubani / AFP / NTB

Chokri Ghanem, ancien ministre du pétrole libyen de Muammar Khadafi. © Samuel Kubani / AFP / NTB

 

En Suisse, la procédure se poursuit et la bataille légale a commencé il y a un peu moins d’un an. Nathalie Guth, porte-parole du Ministère public de la Confédération, confirme qu’une procédure «est en cours d’instruction». Le 9 octobre 2014, Ismael Abudhar a été entendu par les autorités suisses. Dans une interview au journal norvégien Dagens Noerinsliv du 27 juin 2015, le procureur fédéral Jacques Rayroud souligne le caractère particulier de ce dossier et ajoute qu’il convient de ménager la sécurité des personnes impliquées, confirmant indirectement les craintes d’Ismael Abudhar. Selon ce dernier, certaines informations sensibles transmises par la Suisse aux Pays-Bas auraient pris le chemin de la Libye où sa famille aurait été menacée de représailles. Jacques Rayroud a toutefois nié que des informations auraient pu parvenir en Libye. La famille Ghanem a confié la défense de Mohamed et d’une société dont il est l’ayant droit économique à l’avocat genevois Jean-Marc Carnicé. Contacté par courriel, ce dernier répond: «Je ne souhaite pas m’exprimer au nom de mes clients. Je vous indique volontiers cependant qu’ils contestent avoir commis une quelconque infraction.»
Défenseur également de Behlassen Trabelsi, gendre de l’ancien dictateur tunisien Ben Ali, Jean-Marc Carnicé a gagné, en décembre 2014, le recours contre la restitution à la Tunisie de 35 millions de francs confisqués dans des banques en Suisse. Mais dans l’affaire Palladyne, il n’a pas remporté de succès jusqu’à maintenant. à deux reprises, il a été désavoué par le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone. Me Carnicé avait demandé, en vain, la levée de la saisie des comptes bancaires dont Mohamed Ghanem était l’ayant-droit économique et s’était opposé à «la remise des moyens de preuve» à la justice néerlandaise.  Un autre recours, déposé par l’avocat Pierre de Preux — visant à lever le blocage des comptes de six sociétés écrans impliquées dans la dissimulation des fonds libyens — a été rejeté. Le dossier libyen n’a donc pas fini de défrayer la chronique.


Des dossiers libyens suspendus et d’autres non aboutis

Le contexte politico-juridique. Le 21 février 2011, le Conseil fédéral publie une ordonnance visant à bloquer les avoirs de 29 personnes physiques originaires de Libye. Parmi celles-ci figurent également toutes les personnes répertoriées sur la liste de l’ONU. Il est désormais interdit de transférer des avoirs financiers aux personnes physiques concernées par cette ordonnance ou de mettre à leur disposition, directement ou indirectement, des ressources économiques.

Le troisième fils du dictateur. En août 2011, le procureur de la Confédération ouvre une enquête pénale pour blanchiment d’argent, faux et corruption d’agents publics étrangers contre Saadi Kadhafi, troisième fils du dirigeant libyen, ainsi que contre d’autres parties prenantes. Le Ministère public de la Confédération (MPC) procède à la confiscation des biens de Saadi Kadhafi: — une participation financière dans une société suisse non cotée: il s’agit de la société Silvermat SA de Genève affichant comme but au Registre du Commerce, «le commerce sur Internet de matières et produits, notamment achat, vente, importation, exportation et courtage de matières premières et de produits destinés à l’hôtellerie et à la restauration, ainsi que services d’intermédiaire y relatifs»; 106 286 actions d’une valeur nominale de 2 francs appartenaient à Dorion Business International, société des îles Vierges Britanniques dont le bénéficiaire économique est Saadi Kadafi; — des actifs relativement mineurs auprès d’une banque maltaise: la First International Merchant Bank p.l.c. (FIMBank); trois comptes auprès cette banque appartenaient à trois sociétés basées aux Îles Vierges Britanniques, dont Kadhafi était le bénéficiaire économique, Dorion Business Ltd, Bingley Overseas Ltd et Horntown management Ltd; — un contrat d’achat d’un yacht, le fameux Hokulani, jamais livré par le vendeur en raison des mesures d’embargo, bien que le fils Kadhafi l’ait presqu’entièrement payé. Selon le MPC, l’enquête criminelle contre Saadi Kadhafi est suspendue, car le fils de l’ancien dictateur est détenu en Libye, dans un lieu inconnu et que, «pour diverses raisons», il est impossible pour le moment de déposer une demande d’entraide pénale internationale auprès des autorités libyennes.

Entre Tripoli et Meyrin. Outre la famille Kadhafi, des proches du colonel sont concernés. Parmi ces derniers, Bashir Saleh Bashir, 64 ans, à l’époque son chef de cabinet. Bashir Saleh Bashir est le patron de la Libya Africa Portefolio (LAP), le principal outil d’influence en Afrique subsaharienne du colonel Kadhafi, appartenant à la LIA, le fonds souverain libyen. Depuis 2006, Bashir est le président d’une filiale suisse de la LAP — LAP (Suisse) SA — domiciliée à Meyrin, dans le canton de Genève. Si LIA et LAP (siège de Tripoli) sont présentes sur la liste des entreprises soumises à l’ordonnance du Conseil fédéral, la LAP (Suisse) SA n’y figure pas. En effet, en 2010, une année avant le printemps arabe, Bashir Saleh Bashir cédait la présidence de la société genevoise à un autre Libyen, Alameen Taweel. Or, ce dernier ne figure pas sur la liste des personnes frappées d’une mesure de confiscation. Résultat: cette société suisse n’est pas sanctionnée dans notre pays alors que, comme l’a révélé le magazine Le Point, 498 de ses actions (sur 500) appartenaient encore à Bashir Saleh Bashir, chef de cabinet du colonel Kadhafi. Antje Baertschi, porte-parole du Secrétariat d’état à l’économie, confirme que «l’entité LAP (Suisse) n’a jamais été inscrite sur la liste». Toutefois, elle affirme que cette branche helvétique «peut être considérée comme étant subordonnée à la LAP et donc soumise aux mêmes restrictions».

Après la chute du dictateur, le nouveau pouvoir libyen a mandaté des cabinets d’avocats dans plusieurs pays, afin de récupérer les avoirs libyens gelés à travers le monde, notamment ceux du LIA et des sa filiale LAP. En Suisse, grâce au cabinet de droit des affaires Meyerlustenberger Lachenal, les nouveaux dirigeants de la Libye ont pu reprendre le contrôle de sa filiale helvète. Dans ce contexte, LAP (Suisse) a déménagé de Meyrin à Genève et a été domicilié auprès de ce cabinet spécialiste de droits des affaires. Tous les anciens administrateurs ont été écartés, laissant la place à d’autres libyens résidant en Suisse.

 
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